Le débat sur l’islamophobie s’enflamme après qu’un homme a menacé de tuer Ilhan Omar
Donald Trump et Fox News font l’objet de critiques pour avoir créé un climat d’islamophobie après l’arrestation d’un partisan du président. Il a menacé de tuer Ilhan Omar, une démocrate. C’est l’une des premières femmes musulmanes élues au Congrès.
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Des menaces de mort
Patrick Carlineo a été arrêté et accusé d’avoir passé un appel téléphonique menaçant au bureau d’Omar, le 21 mars, en s’identifiant par son vrai nom. Il a aussi déclaré à un membre du personnel : « Travaillez-vous pour les Frères musulmans ? Pourquoi tu travailles pour elle, c’est une putain de terroriste ».
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Une semaine plus tard, le FBI l’a interrogé à son domicile. Le suspect a confirmé ses dires en déclarant que « si nos ancêtres étaient encore en vie, ils mettraient une balle dans la tête d’Omar ». Il s’est décrit lui-même comme un patriote qui « aime le président et déteste les musulmans radicaux dans le gouvernement ». En outre, un fusil de chasse et un pistolet de calibre 22 ont été retrouvés dans sa maison.
Une provocation en direct
Fox News n’a pas été mentionnée dans la plainte. Toutefois, un lien direct a été établi entre les remarques controversées de la présentatrice Jeanine Pirro et la menace de mort contre Omar. Le mois dernier, la dernière a attaquée Omar pour avoir porté du hidjab. Elle lui demandait si c’était révélateur de « son adhésion à la charia, qui est contraire à la constitution des États-Unis ».
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Quelques heures seulement après l’arrestation de Carlineo devant un public de républicains juifs, l’émission a été retirée des ondes pendant deux semaines. Le fait est que celle-ci a ironisé Omar en disant : « Oh, j’avais oublié. Elle n’aime pas Israël, j’ai oublié, je suis désolée. Non, elle n’aime pas Israël, n’est-ce pas ? » Cependant, la réplique n’était pas à la hauteur de la provocation, même si la concernée a fait connaître ses sentiments.
Un paratonnerre pour les revendications antisémites
Le mois dernier, une fusillade dans deux mosquées a tué 50 personnes. Omar accuse Trump d’attiser la haine qui se cache derrière cette violence. La musulmane d’origine somalienne a ouvert une discussion sur le traitement des Palestiniens par le gouvernement israélien. C’est devenu un paratonnerre pour les revendications antisémites, surtout après avoir souligné le travail de lobbying de l’American Israel Public Affairs Committee. D’après cette élue, l’Aipac a payé les politiciens pour l’adoption d’une position pro-israélienne.
Des groupes musulmans ont averti que la rhétorique enflammée autour de l’Islam en général, et d’Omar en particulier, créait un climat dangereux. Afaf Nasher, le directeur exécutif du Council on American-Islamic Relations, a déclaré que « l’environnement politique dirigé par un islamophobe a normalisé les discours haineux. La menace croissante de l’islamophobie et de la suprématie des Blancs doit être prise au sérieux ».
La réaction politique face à l’incident
La réaction politique face à l’incident a été diverse. Les démocrates ont dénoncé les menaces contre Omar, mais certains d’entre eux l’ont aussi accusée de tenir des propos antisémites. Le président Trump et ses alliés conservateurs ont profité de cette occasion pour attaquer Omar et les musulmans en général, tout en rejetant toute responsabilité dans la propagation du discours anti-musulman.
Le sénateur Bernie Sanders a défendu Omar sur Twitter : ‘Les critiques contre Ilhan Omar et son droit à critiquer la politique israélienne sont injustifiées. Comme je l’ai déjà dit plusieurs fois, nous pouvons être critiques vis-à-vis de la politique israélienne sans être antisémite’. La présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, a déclaré que ‘les mots ont un impact… le langage qui incite à une violence extrême est inacceptable’, tandis que le sénateur Cory Booker a appelé au respect mutuel entre religions.
En revanche, le leader républicain Kevin McCarthy a promis d’agir contre Omar pour ses ‘remarques troublantes’ sur Israël. Les commentateurs conservateurs comme Candace Owens ont pris parti pour Trump et ont affirmé qu’il n’y avait pas lieu de parler d’islamophobie.
L’événement rappelle encore une fois combien les tensions autour des questions religieuses peuvent rapidement se transformer en menace physique. Ce climat ne peut qu’inquiéter ceux qui prônent un dialogue constructif entre religions plutôt qu’un affrontement dangereux susceptible d’engendrer des violences.
Les conséquences sur la sécurité des minorités religieuses aux États-Unis
Au-delà des débats politiques, cet incident soulève aussi des préoccupations concernant la sécurité physique des minorités religieuses aux États-Unis. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, l’islamophobie a augmenté de manière significative dans le pays. Les musulmans sont souvent victimes d’intimidation, de discriminations et même de violences physiques.
Effectivement, selon un rapport publié en 2019 par le Conseil sur les relations américano-islamiques (CAIR), une organisation à but non lucratif qui défend les droits civiques des musulmans aux États-Unis, il y a eu une augmentation notable du nombre d’attaques contre des mosquées et autres lieux de culte islamique au cours de l’année précédente. Le rapport indique aussi que près de la moitié des signalements reçus par le CAIR concernent soit une discrimination, soit une intimidation.
Ilhan Omar elle-même est régulièrement ciblée par des messages haineux et menaçants en ligne depuis son élection au Congrès. Ce harcèlement est alimenté notamment par ceux qui considèrent qu’elle représente un danger pour Israël ou qu’elle incarne une menace pour la sécurité nationale américaine.
Les conséquences directement liées à ces actes sont multiples : impacts psychologiques graves pouvant aller jusqu’à la rupture sociale avec leur entourage ; peur intense et constante d’être attaqués ; discrimination systémique empêchant toute forme d’évolution personnelle voire professionnelle.
Dans ce contexte sensible, nombreux sont ceux qui plaident pour une prise de conscience accrue sur les dangers des préjugés religieux et pour une action plus forte de la part des autorités publiques afin d’assurer la sécurité et le bien-être de toutes les minorités religieuses aux États-Unis. Cette situation interpelle aussi l’ensemble de la société américaine à réfléchir sur leurs comportements individuels vis-à-vis des autres, quelle que soit leur croyance ou leur origine.